Extraits du journal de Robert Dubois

Le destin n’est pas écrit d'avance. Je dirais même plus : chacun est maître de décider à divers degrés son parcours dans la vie. Encore faut-il y avoir conscience. C’est ce dont je vais vous relater dans ces quelques pages.


Je m’appelle Robert Dubois. Je suis né en mars 1908. J’ai perdu mon père à la guerre lorsque j’avais sept ans. Ma mère, Pierre, Georges (mes deux frères aînés) et moi avons été accueillis chez mon oncle Paul, le frère de mon père. Ainsi, nous habitions tous sous le même toit dans un petit village breton du nom de Fot Bihan faisant partie de la commune de Saint-Laurent située à deux kilomètres de là.


Il y a quelques mois, j’effectuais le tri dans mon grenier quand, dans une malle, je tombai sur l’un de mes journaux intimes. Cela me fit une sensation de retour en arrière à tel point que je faillis perdre l’équilibre, obligé de me retenir par les chaises en osier suspendues aux poutres poussiéreuses. Juliette, mon épouse se tenant près de moi, pensa tout de suite que j'étais victime d'un malaise. Je la rassurai rapidement. Il s’agissait de mon tout premier journal commencé à l’âge de huit ans. En effet, ma mère m’offrit le jour de mon anniversaire un gros cahier avec deux crayons. Toute la journée, je me demandai ce que j’allais en faire. Il était tellement sublime à mes yeux que je n’osais dessiner sur ses douces pages avec ses lignes rectilignes si fines. Le soir, avant de me coucher, je pris la décision que ce livret devait être utilisé sérieusement. Aussi, mon choix fut fait : il serait mon journal intime. Je m’y mis de suite en écrivant quelques lignes. Depuis ce jour, je note chaque soir tout ce qui m’a marqué au cours de ma journée, toutes mes pensées, tout ce qui me touche. Pas un soir, je n’ai manqué ce rendez-vous avec mon fidèle confident.


J’ai extrait de ce journal les cinq journées qui ont marqué ma vie à jamais, non seulement parce qu’elles m’ont touché émotionnellement en bien ou en mal, mais également car elles ont modifié le cours normal de ce qu’aurait dû être ma vie : elles m’ont ouvert les yeux et m’ont fait découvrir des envies enfouies profondément en moi que je ne soupçonnais même pas l'existence et qui m’ont guidé vers des voies que j’ai choisies car je le désirais, et non imposées par les convenances.


Que ces quelques pages donnent, à ne serait-ce qu’un lecteur, le courage de dompter sa destinée afin de connaître le bonheur d’une vie choisie et voulue, et de se dire à la fin : “Je n’ai rien à regretter, j’ai bien vécu”.



Robert Dubois, septembre 1980.




PS : vous trouverez dans les pages suivantes des conversations. Quand j’étais enfant, j'essayais de retranscrire de mémoire dans mon journal les conversations que j’avais eues ou entendues, bien évidemment pas tout à fait aux mots près, mais en conservant leurs sens le plus fidèlement possible.