Chapitre 3


Les préparatifs de la fête du château


Au château, la Reine Barbe commence à organiser la fête annuelle qui accueillera peut-être celui qui la guérira. Les invitations sont lancées à travers tout le royaume de Plistin. Son valet Hogolo a reçu l'ordre de porter les invitations à chaque personne susceptible de pouvoir guérir la Reine. Comme cela concerne près de mille personnes, Hogolo a de longs trajets à parcourir durant plusieurs semaines, ce qui n'arrange pas son caractère grincheux : "J'suis pich null ! Pourquoi c'est toujours à moi de faire les sales corvées !"


Alors qu'Efflam contemple sa belle récolte, le village entier subit la sécheresse. Tous les champs, sauf celui d'Efflam, sont arides. Plus rien ne pousse. Pire, les cultures pourrissent, il n'y a plus aucune récolte dans le royaume. Même la fontaine du village située près de la place du marché est asséchée.


La Princesse Anne attend avec impatience cette grande fête car elle espère y rencontrer son prince charmant. Aussi, elle va voir son père, le Roi, et lui demande :


- "Père, pourrais-je me rendre au marché pour trouver la plus jolie robe du royaume afin que je sois la plus belle pour la grande fête annuelle du château ?"

- "Ma fille, bien que je te trouve déjà très belle, tu peux te rendre au marché. Mais je veux que tu me rapportes la plus exquise de toutes les viandes que tu trouveras".

- "Merci père. Je ferai selon votre volonté".

Dans son magnifique carrosse, elle se rend au marché et fait toutes les boutiques de vêtements. Après de nombreux essayages, elle trouve enfin la plus jolie des robes. Puis, se souvenant de la promesse faite à son père, elle commence à chercher la plus exquise de toutes les viandes du marché. Un charcutier lui vante son poulet rôti, mais elle ne le trouve pas assez cuit ; un autre lui propose un jambon de la taille d'un sac de pommes de terre, mais elle refuse car il est trop dur ; un boucher lui propose un succulent gigot d'agneau, mais elle préfère la vue des agneaux courant dans les champs qu'immobiles dans une assiette. Tout en cherchant un bon petit plat pour le Roi, elle aperçoit un marchand de légumes. Il s'agit d'Efflam.


- "Mais dîtes-moi mon brave, que vous possédez de beaux légumes. Je n'ai vu aucun autre épicier sur le marché aujourd'hui".

- "En effet, Princesse Anne, la sécheresse a pourri toutes les autres cultures, seul mon champ a été épargné".

- "Que tu as de la chance. Aujourd'hui, je ne t'achèterai rien car j'ai promis à mon père le Roi de lui rapporter le plus beau morceau de viande du marché. N'aurais-tu pas une idée ?"

- "A votre place, je prendrais de la bonne saucisse que j'ai vue à deux pas d'ici".

- "Merci pour ton aide. Je vais suivre tes conseils".

- "Avant que vous ne quittiez, je vous offre cette magnifique rose. Au revoir, ma Princesse".

- "Merci beaucoup, jeune épicier. Au revoir".


En la voyant s'éloigner, Efflam se dit que la Princesse Anne est encore plus belle que la rose qu'il lui a offerte.


De retour au château, le Roi se précipite vers sa fille pour découvrir ce qu'elle lui a acheté.


- "Alors, ma fille, qu'as-tu trouvé de plus appétissant ?"

- "Je t'ai rapporté la plus succulente de toutes les saucisses du marché"

- "De la saucisse ? Mais quelle idée ?! Que vais-je faire d'une saucisse ?"

- "Mais voyons, père, étant donné votre goût pour les bonnes choses et le savoir-faire de votre cuisinier, j'ai pensé qu'une belle saucisse vous ferait plaisir"

- "Dans ce cas, je m'en contenterai".


Il se retourne, puis hurle haut et fort : "Que mon cuisinier Krampouz vienne au plus vite !". En une seconde, on entend du fond des cuisines du château de tout petits pas rapides. Une minute après, un petit homme habillé tout de blanc de la tête aux pieds se présente devant le Roi.

- "Krampouz, je te somme de me préparer un fin repas avec cette saucisse", dit le Roi.

- "Certainement, mon Roi. Que diriez-vous d'une saucisse aux lentilles ?"

- "Non, cela ne me dit rien".

- "Une saucisse aux herbes ?"

- "Non, je voudrais un plat plus raffiné"

- "Une purée de saucisse ?"

- "Mais que me chantes-tu là ?"

- "Que diriez-vous d'une belle saucisse accompagnée d'un chou bien vert ?"

- "Parfait. Prépare ce repas pour ce soir"


De retour chez lui, Efflam est comblé car il a vendu toute sa récolte. Le lendemain, il se rend fièrement au village et achète un âne qu'il décide d'appeler Fanfan. "Allez, viens Fanfan. Je vais te montrer ta nouvelle maison et ton nouveau travail", dit Efflam à son nouvel ami.


Le soir venu, le Roi, la Reine Barbe et la Princesse Anne sont assis autour de la table et dégustent la saucisse au chou.


- "Comment avancent les préparatifs pour la fête du château de demain soir ?", demande le Roi à la Reine.

- "Tout sera prêt à temps. La fanfare du village a bien répété, la chorale aussi, les jongleurs et les équilibristes sont déjà arrivés. Hogolo a fait parvenir les invitations dans tout le royaume de Plistin"

- "Qu'as-tu prévu pour le repas ?", demande le Roi à la Reine.

- "Je ne me suis pas occupée de cela. J'ai demandé à Hogolo de s'en charger".


Et tout à coup, la Reine Barbe pousse un hurlement : "Que mon valet Hogolo se dépêche d'apparaître !". Une seconde après, on entend Hogolo courir du fond du château en bougonnant dans sa moustache : "Que me veut encore cette biquette barbue ?". Il arrive devant la Reine Barbe :


- "Ma Reine, vous m'avez appelé ?"

- "En effet, qu'as-tu décidé d'offrir à nos invités demain soir pour la fête du château ?"

- "Et bien, c'est difficile de répondre", dit le valet hésitant.

- "Quoi ? Ne me dis pas que tu as oublié !"

- "Non, ma Reine. Mais il n'y a plus aucun légume dans le royaume à cause de la sécheresse"

- "C'est vrai", dit la Princesse. "Je n'ai vu qu'un seul marchand de légumes ce matin au marché".

- "Bon, soit. Mais j'ose espérer que tu as trouvé une solution, mon bon valet Hogolo qui risque sinon de ne plus pouvoir s'asseoir durant encore un mois", dit la Reine Barbe d'un air menaçant.

- "Bien heureusement, ma très chère Reine".


Mais il n'en était rien. Hogolo, n'étant pas très imaginatif et en voyant le Roi manger, dit :


- "J'avais pensé que de la saucisse pourrait convenir pour demain soir"

- "Parfait !", dit la Reine d'un ton ferme.

- "Mais je suis en train d'en manger. Je voudrais autre chose pour demain soir", dit le Roi d'une petite voix.

- "La saucisse conviendra. L'affaire est close !", dit la Reine d'une voix forte.

Le Roi, très déçu, n'insiste pas. Hogolo se sent soulagé car il vient une fois de plus d'échapper aux coups de bâton.